L’ancien président Donald Trump a présenté ce 23 juillet son plan d’action pour l’intelligence artificielle, à la croisée de la stratégie technologique et du positionnement politique. Le document, qualifié par Fortune de “véritable manifeste idéologique”, ne se contente pas de dresser un inventaire technique : il cherche à influer sur les valeurs mêmes qui guideront l’IA américaine.
Ce plan de 15 pages, diffusé par son équipe de campagne, prend pour cible une IA jugée “woke”, influencée par des biais progressistes, et appelle à une refonte complète des politiques de développement technologique aux États-Unis. Trump propose une supervision gouvernementale accrue des modèles d’IA générative, l’instauration d’un droit de regard sur les données utilisées pour l’entraînement des modèles, et même une certification fédérale des systèmes jugés “objectifs”.
Derrière ces propositions se profile une ligne de fracture bien connue : d’un côté, les grandes entreprises technologiques perçues comme proches de valeurs progressistes ; de l’autre, une mouvance conservatrice qui accuse l’IA de reproduire les orientations idéologiques de ses concepteurs. Selon l’équipe de campagne, l’IA doit refléter “les valeurs américaines traditionnelles” et être protégée de toute influence partisane.
Mais ce plan n’est pas qu’un pamphlet culturel. Il comporte aussi des mesures concrètes destinées à renforcer la souveraineté technologique américaine : accélération du soutien à la recherche domestique, réduction de la dépendance aux composants étrangers, et mesures incitatives pour les entreprises développant des IA “conformes aux valeurs nationales”. L’administration Trump, si elle revenait au pouvoir, entendrait imposer un cadre légal strict à l’ensemble des systèmes IA déployés sur le territoire.
L’impact potentiel de ce programme dépasse largement le débat sur l’idéologie. En s’attaquant aux biais perçus dans les modèles d’IA, le plan interroge plus largement la transparence et la gouvernance des systèmes algorithmiques. Qui décide de ce qu’une IA doit dire, penser ou générer ? Quelle instance est légitime pour trancher entre un contenu “neutre” et un contenu “engagé” ? Les réponses que propose le camp Trump sont claires : une autorité politique nationale, garante d’une forme de neutralité “patriotique”.
Ce projet pourrait profondément remodeler l’environnement réglementaire de la tech aux États-Unis. À court terme, les entreprises de la Silicon Valley, déjà dans le viseur de l’ancien président, pourraient se retrouver face à un encadrement plus musclé de leurs outils, voire à des audits obligatoires de leurs modèles. À plus long terme, c’est l’équilibre entre innovation, liberté d’expression et contrôle politique qui est en jeu.
Pour les développeurs, chercheurs et formateurs en IA, ce plan soulève de nombreuses questions pratiques. Une certification fédérale signifierait-elle une standardisation des contenus acceptables ? Les jeux de données “non conformes” pourraient-ils être interdits d’entraînement ? Et qu’en serait-il des applications ouvertes comme ChatGPT ou Mistral, qui s’appuient sur des corpus diversifiés ? Si ces outils doivent désormais se soumettre à un label idéologique, la créativité même du secteur pourrait s’en trouver amputée.
Le plan Trump reflète aussi une tendance plus large : la politisation croissante de l’intelligence artificielle. À mesure que ces technologies s’invitent dans les sphères du travail, de l’éducation, de la culture et de la défense, elles deviennent des champs de bataille idéologiques. Et ce qui se joue ici dépasse les États-Unis : en fixant des standards normatifs, l’Amérique influence aussi les choix technologiques à l’échelle mondiale.
En inscrivant l’IA dans sa rhétorique “America First”, Donald Trump relie stratégie technologique et identité nationale. Il ne s’agit plus seulement d’être à la pointe, mais de contrôler le sens que prendra cette puissance technologique. Une vision clivante, certes, mais qui pourrait trouver un écho auprès d’un électorat préoccupé par l’influence des algorithmes sur la culture et les institutions.
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