RGPD et concurrence déloyale, avec Me Olivia Flipo

Lors du webinar d’actualité, Me Olivia Flipo est revenu sur la tendance de la jurisprudence en matière de concurrence déloyale sur le fondement du RGPD. Il y a une évolution qu’elle nous relate ici.

NumActu : Nous allons évoquer la concurrence déloyale. Me Flipo, pouvez-vous évoquer la tendance qui se dessine en matière de concurrence déloyale à l’aune du RGPD ?

Olivia Flipo : Nous avons deux affaires assez récentes du tribunal judiciaire de Paris, d’abord du 15 avril 2022, où on a considéré qu’un manquement aux exigences imposées par le règlement européen pouvait constituer un acte de concurrence déloyale, et, en l’occurrence, un concurrent avait agi en concurrence déloyale sur différents fondements, pas uniquement celui-là, parce que son concurrent n’informait pas ses clients des différentes règles en matière de protection des données appliquées au sein de son entreprise. Il y avait un minuscule petit paragraphe dans les mentions légales du site, ce n’est pas du tout suffisant. Et ensuite, il y avait un lien vers une politique de confidentialité de protection des données, mais quand on cliquait sur le lien, il s’affichait une erreur, il n’y avait rien. Donc le concurrent a considéré que le fait de ne pas être en conformité avec le RGPD lui fournissait un avantage concurrentiel induit et qu’il devait être sanctionné pour ça et le tribunal a sanctionné la société qui ne respectait pas le RGPD.

Le 9 novembre, c’est la Cour d’appel de Paris qui a reconnu également qu’il y avait concurrence déloyale dans le fait de ne pas respecter de RGPD. Cette fois-ci, le concurrent s’était fondé sur une condamnation administrative, sur une amende de 500.000 euros qui avait été infligée à son concurrent qui avait notamment envoyé des emails de prospection sans le consentement des personnes concernées, en contravention du RGPD (…) et donc la Cour d’appel a considéré que c’était un avantage concurrentiel indu et qu’il devait être condamné sur ce fondement là notamment.

Il faut savoir qu’en 2020, le tribunal judiciaire de Paris avait refusé de condamner une entreprise pour concurrence déloyale estimant que le RGPD était là pour protéger des intérêts particuliers de personnes physiques et non pas les intérêts commerciaux de société. On voit que la tendance a changé et aujourd’hui les tribunaux et les cours d’appel reconnaissent la concurrence déloyale. C’est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation puisqu’en mars 2021, la Cour de cassation avait estimé “que constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur“. Les décisions évoquées sont conformes à cette jurisprudence de 2021 qui était là aussi la confirmation d’une jurisprudence antérieure du 12 février 2020 qui estimait qu’en ne respectant pas une réglementation, la société s’était épargnée une dépense qui induit nécessairement un avantage concurrentiel.

N : Pouvez revenir sur cette inversion du la notion du caractère déloyale ?

OF : C’est intéressant de voir qu’au départ, ce qui était présenté comme un avantage concurrentiel, c’était le fait d’être en conformité avec le RGPD (mettez-vous en conformité avec le RGPD vous aurez un avantage sur vos concurrents). On se rend compte qu’aujourd’hui, ce qui est considéré comme un avantage concurrentiel par les tribunaux, c’est le fait de ne pas être en conformité avec le RGPD.

On voit à travers ces différentes jurisprudences, aussi bien sur la validité du contrat que sur la concurrence déloyale, qu’il y a vraiment un intérêt financier à se mettre en conformité avec le RGPD, qu’une entreprise non conforme s’expose à un risque de nullité du contrat ou en concurrence déloyale d’un concurrent, que les condamnations ou le manque à gagner auquel les sociétés s’exposent seraient mieux utilisés dans une mise en conformité, que la mise en conformité est moins lourde financièrement que la condamnation pour nullité du contrat ou pour conférence déloyale, et les concurrents qui obtiennent des dommages et intérêts sont remboursés de leur mise en conformité.

Voilà ce que ce qu’on peut retenir de ces jurisprudences qui incitent vraiment à se mettre en conformité.