Le blocage d’Instagram en Turquie : entre censure et répercussions économiques

Depuis six jours, l’accès à Instagram est bloqué en Turquie. Cette décision, annoncée par l’Autorité turque des technologies de l’information et des communications (BTK), soulève de nombreuses questions quant aux raisons réelles derrière ce blocage et ses conséquences sur le pays. Retour sur les événements et analyse des impacts.

Instagram en chiffres en Turquie

Instagram compte environ 50 millions d’utilisateurs en Turquie, soit plus de la moitié de la population du pays qui s’élève à 85 millions d’habitants. Cette popularité témoigne de l’importance de la plateforme pour les citoyens turcs, tant sur le plan personnel que professionnel. En bloquant l’accès à Instagram, la Turquie touche un large éventail de la population et perturbe considérablement les communications et les activités commerciales.

Les étapes du blocage

Décision et manque de clarté

Le vendredi 2 août, l’Autorité turque des technologies de l’information et des communications (BTK) a annoncé sans explication la décision de bloquer l’accès à Instagram. La raison invoquée, bien que floue, fait référence à une réglementation permettant de bloquer des “contenus criminels”, sans plus de précisions.

Réactions officielles et accusations

Quelques jours après l’annonce, des responsables turcs ont avancé diverses justifications, allant des insultes envers Atatürk, le père de la Turquie moderne, à la présence de contenus liés à la drogue et aux violences sexuelles sur les enfants. Puis, Fahrettin Altun, directeur de la communication de la présidence turque, a vivement critiqué Instagram, l’accusant de “fascisme numérique” et de censure.

Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, est alors devenu plus précis et a accusé Instagram de censurer les messages de condoléances concernant la mort d’Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, déclarant que la plateforme ne pouvait “même pas tolérer les photos des martyrs palestiniens”. Erdogan a dénoncé ce qu’il considérait comme une tentative de censure contre les Palestiniens et a affirmé que les motivations derrière le blocage étaient politiques.

Réaction d’Instagram et actions judiciaires

Instagram, de son côté, tente de mettre en avant ses efforts en matière de collaboration avec le pouvoir en annonçant avoir supprimé de nombreux contenus à la demande des autorités turques. Selon un rapport publié le 31 juillet par Meta, propriétaire d’Instagram, la plateforme a retiré 2 445 contenus en Turquie au cours des six premiers mois de 2024, dont 1 941 à la demande des autorités turques.

L’opposition turque a rapidement réagi en saisissant la justice vendredi soir pour annuler l’interdiction d’accès à Instagram. Cette action démontre l’importance du débat et la division que cette décision a créée au sein de la société turque.

Conséquences économiques

Le blocage d’Instagram a des répercussions économiques considérables. Selon Emre Ekmekçi, vice-président de l’Association des opérateurs du e-commerce, ce blocage pourrait coûter 1,9 milliard de livres turques, soit près de 57 millions de dollars, par jour au pays. Cette situation inquiète particulièrement les acteurs du commerce en ligne, sachant que 10% du commerce en ligne en Turquie s’effectue via les plateformes et les réseaux sociaux, représentant environ 930 millions de livres turques (25,5 millions d’euros) par jour.

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Ce blocage d’Instagram en Turquie semble donc être davantage motivé par des considérations politiques que par des raisons de sécurité ou de moralité publique. En restreignant l’accès à une plateforme aussi influente, le gouvernement turc illustre une tentative de mainmise sur les réseaux sociaux, un enjeu crucial dans un monde de plus en plus connecté. Cette affaire reste à suivre de près, tant pour ses implications sur la liberté d’expression que pour ses conséquences économiques.

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